Artisanat
Christophe Chaussé, un meunier né dans la farine
La meunerie artisanale disparaît de nos campagnes. Avec la concurrence des minoteries industrielles associée à la pénibilité du métier, les anciens moulins ont stoppé leur activité. Heureusement, certains d’entre eux perdurent toujours grâce à des artisans passionnés, comme c’est le cas à Saint Denis-de-Jouhet.
La meunerie artisanale disparaît de nos campagnes. Avec la concurrence des minoteries industrielles associée à la pénibilité du métier, les anciens moulins ont stoppé leur activité. Heureusement, certains d’entre eux perdurent toujours grâce à des artisans passionnés, comme c’est le cas à Saint Denis-de-Jouhet.
Certains métiers sont comme le bon pain, ils tendent à disparaître. C’est le cas des meuniers qui rythmaient auparavant la vie des villages. Les boulangers venaient chercher la farine au moulin pour préparer pains et autres viennoiseries. Aujourd’hui les minoteries traditionnelles ont été remplacées par des unités industrielles dotées de rendements plus en adéquation avec les besoins actuels. Mais qu’est-il advenu de ces ouvrages historiques ? Il subsiste actuellement moins de 200 moulins artisanaux encore en activité en France.
Une histoire de famille
Dans l’Indre, l’unique établissement de ce type se situe dans une petite commune du Boischaut sud. Au Moulin neuf de Saint Denis-de-Jouhet, Christophe Chaussé continue de produire une farine locale. Troisième génération de meuniers, il a repris l’activité en 1996. « Le moulin date du début du siècle. Mon grand-père puis mon père ont, avant moi, travaillé au moulin. J’ai appris le métier en les observant et en les aidant. On peut dire que je suis né dans la farine. » Même si la méthode reste ancestrale, le moulin s’est modernisé au fil du temps. Christophe a, avec l’aide de son père, amélioré certaines étapes de fabrication afin de réduire la pénibilité. « Je me souviens l’avoir vu transporter des sacs de grains sur son dos pour les amener dans les broyeurs. Maintenant j’utilise une vis sans fin qui achemine le grain directement dans les machines.» Avant lui, son grand-père avait déjà opté pour des broyeuses à cylindres en remplacement des anciennes meules. Ces machines de plus de 60 ans fonctionnent toujours aujourd’hui, de même que le plansichter en bois pour séparer le son du grain. « Cela m’oblige à me convertir en mécanicien. Il est de plus en plus compliqué de trouver des pièces de rechange pour ce type de matériel. Je suis parfois obligé de les faire moi-même » , raconte-t-il.
Une gamme de farines élargie
Pour obtenir la farine, huit étapes sont nécessaires. Le blé est broyé en quatre fois, ce qui donne de la semoule. Celle-ci passe ensuite quatre fois au convertissage pour obtenir la finesse de farine demandée. Le réglage des différents tamis est fonction du type de grain utilisé et du produit que le meunier souhaite faire. « Le blé est dans un premier temps nettoyé et humidifié. C’est obligatoire car la dureté des grains empêche un broyage correct. Après être passés dans le plansichter, les grains descendent dans les broyeuses à cylindres pour obtenir le produit final. Je fais différentes farines en mélangeant plusieurs céréales, je dois prendre en compte la grosseur des grains pour adapter mes tamis » , précise Christophe Chaussé. Farine de châtaigne, multi-céréales ou farine de campagne sont quelques-uns des produits fabriqués au Moulin neuf. Ce sont en majorité des particuliers qui viennent se fournir chez Christophe Chaussé, même si certains boulangers se rapprochent encore de la minoterie pour du dépannage. « Mon père travaillait beaucoup plus avec les artisans boulangers à son époque, mais actuellement ils préfèrent se fournir dans des établissements plus importants. C’est pour cela que j’ai élargi ma gamme, pour correspondre aux attentes de ma clientèle. »
Travailler grâce aux productions locales
Son moulin produit entre 200 et 250 tonnes de farine par an, ce qui correspond à la production journalière d’une minoterie industrielle, mais sa farine est distribuée sur l’ensemble du département ainsi que dans une partie de l’Indre-et-Loire par l’intermédiaire des petites et moyennes surfaces et de la vente directe. Toutes les céréales utilisées proviennent d’agriculteurs locaux installés autour de la minoterie. Car Christophe Chaussé souhaite avant tout privilégier les productions de proximité tout en choisissant des variétés correspondant à ce qu’il recherche. « Je me fournis chez cinq agriculteurs basés sur le secteur. Mes farines ne sont pas inscrites en label, mais je demande aux producteurs de réduire l’utilisation de produits phytosanitaires pour les cultures réservées au moulin. Je recherchais auparavant une ancienne variété de blé, mais malheureusement les semences ne sont plus disponibles. J’utilise désormais la variété Apache qui est celle qui m’apporte le plus de garanties qualitatives. » Christophe Chaussé le sait, le métier de meunier est en voie de disparition, mais il continue à faire vivre cette activité qui risque de s’évanouir du paysage indrien dans quelques années. « Lorsque j’ai commencé nous étions 6 dans le département. Aujourd’hui je suis tout seul et je crains que personne ne reprenne la suite après moi. » Un constat qui n’empêche pas le Moulin neuf de Saint Denis-de-Jouhet de tourner à son rythme, perpétuant ainsi un savoir-faire historique et patrimonial désormais unique dans l’Indre. ■